Besançon espagnol (1654-1674)

 

Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang lorrain et breton à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix.

Victor Hugo parlant de lui-même,
Les Feuilles d’Automne, juin 1830

1654 Diète de Ratisbonne. Le Saint Empire romain germanique, sans consulter les Bisontins, cède Besançon à l’Espagne, contre la petite bourgade de Frankenthal (Palatinat), possession espagnole récente (1621), au N-O de Ludwigshafen et de Mannheim. Bien que des rumeurs leur soient parvenues dès 1651, les Bisontins, vexés d’un échange qu’ils jugent disproportionné, refusent de se considérer comme sujet du roi d’Espagne.
1655 Inquiétude de Dole, qui craint le transfert du parlement de Franche-Comté à Besançon (ville plus importante et plus centrale de la province) et agit dès octobre pour le conserver.
1658 Besançon, qui refuse toujours de se considérer espagnol, fête avec éclat l’avènement du nouvel empereur Léopold 1er.
1660 Commune de Besançon : Élection annuelle désormais de 14 seconds notables, qui s’ajoutent aux 14 co-gouverneurs et 28 premiers notables (voir année 1534).
1662 Besançon reçoit, après deux refus, le marquis d’Yennes nommé gouverneur, tout dévoué à la cause de Dole, et organise une fête en son honneur, mais refuse de prêter serment. On sait que le roi d’Espagne Philippe IV est peu disposé à favoriser Besançon.
1664 Le gouverneur des Pays-Bas, marquis de Castel-Rodrigo, qui avait participé en 1654 à la diète de Ratisbonne et tenait Besançon en affection, entame des négociations, qui aboutissent en octobre. Besançon renonce à contracter des alliances et se chercher un protecteur, prend la tête d’un nouveau bailliage de cent villages distraits des bailliages voisins, obtient une université aussi importante que celle de Dole ; le droit de gardiennage est supprimé. Mais la ratification de l’accord présentée en août 1665 par le marquis d’Yennes comporte des disparités entre la version espagnole et la version française, notamment au sujet des cent villages.
1665 Mort du roi d’Espagne Philippe IV (9 octobre) ; sa veuve prend la régence et l’accord de 1664 n’est toujours pas appliqué.
1667 En mars, les premières rumeurs de rupture entre la France et l’Espagne parviennent aux Bisontins. Louis XIV, qui a épousé la fille de Philippe IV, Marie-Thérèse d’Autriche, dont la dot n’a jamais été payée, fait valoir son droit de dévolution, par lequel il réclame les Pays-Bas et la Franche-Comté. Ce droit de dévolution, qui n’est pas en usage dans le Comté de Bourgogne, suscite une polémique parmi les juristes comtois. Besançon, dont l’accord de 1664 n’est toujours pas en application, constate son incapacité à résister à une éventuelle attaque française (pas de citadelle, insuffisance de soldats peu entraînés, etc.)
1668 En janvier, le marquis d’Yennes avertit enfin les Bisontins qu’il a reçu les pouvoirs de mettre le traité de 1664 en application, mais il n’en a pas le temps. Dès février, la ville est encerclée par les troupes françaises et se voit contrainte de se rendre sur simple sommation du Grand Condé. Un intendant français est immédiatement nommé. Le traité de 1664 est mis en application par les Français. Mais, sommé par les Grands d’Europe de choisir entre les Pays-Bas et la Franche-Comté, Louis XIV rend cette dernière à l’Espagne. Décision que les Bisontins apprennent le 21 mai. Les troupes françaises quittent la ville le 9 juin. En août, les Espagnols nomment un nouveau gouverneur du Comté de Bourgogne, qui s’installe à Besançon. Le parlement de la province résidant à Dole est suspendu, remplacé par une cour de justice, qui s’installe, elle aussi, à Besançon. Besançon fait office de capitale provisoire de la Franche-Comté.
1668-1673 Les Espagnols s’emparent des plans d’une citadelle élaborés par Vauban et commencent sa construction sur le Mont Saint-Étienne, sans toutefois empiéter sur les propriétés capitulaires. Les Bisontins continuent de frapper monnaie à l’effigie de Charles Quint, de peur que ce privilège leur soit retiré. La construction de la citadelle, comme la frappe de la monnaie s’interrompent en 1673.
1674,
janvier
Des complots contre la France aux Pays-Bas décident Louis XIV de repartir à la conquête de la Franche-Comté. Celle-ci sera sanglante. Le sentiment anti-français est attisé par le massacre d’Arcey (à 10 km à l’ouest de Montbéliard) du 8 janvier, où les habitants s’étaient réfugiés dans une église, que les Français incendièrent et tous les réfugiés (hommes, femmes et enfants) furent brûlés vifs.
1674
février-mars
Les troupes françaises investissent Pesmes dans la nuit du 13 au 14 février et se répandent dans le N-O de la province.
1674
avril-mai
Les troupes françaises comprenant de quinze à vingt mille hommes dirigées par le duc d’Enghien, fils du Grand Condé, sont aux portes de Besançon le 25 avril. Louis XIV et Louvois les rejoignent dès le 2 mai. Les Bisontins repoussent les sommations ; les troupes françaises investissent les monts de Bregille et de Chaudanne, qui dominent la ville, et la bombardent, tout en se ruant sur les remparts. La ville ne se rend que le 14 et les troupes françaises pénètrent dans la ville le lendemain. Mais les troupes bisontines réfugiées dans la citadelle refusent de se rendre. Vauban doit combattre son propre système défensif, heureusement pour lui inachevé. La citadelle se rend le 23 et les 800 survivants doivent défiler devant Louis XIV, qui se voit offrir par l’archevêque de Besançon l’hommage d’un Te Deum. Quelques jours plus tard, alors que la moitié de la province est encore à conquérir, le roi met en place à Besançon son premier intendant. Besançon est dès lors français, le traité de Nimègue de 1678 ne fera qu’entériner les faits.

BESANÇON FRANÇAIS

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